Artificialisation : l’éléphant dans la pièce ?
En écoutant les commentaires de la presse sur le projet de loi « climat & résilience », on peut avoir l’impression que la lutte contre le changement climatique passera en France par trois décisions d’une grande audace : l’encouragement des menus végétariens dans les cantines scolaires, l’interdiction de la publicité pour les SUV et la fin de l’avion pour les trajets Paris-Bordeaux.
Or, on trouve dans ce texte des dispositions plus structurantes, qui ouvrent des débats plus ambitieux. C’est le cas en particulier de la division par deux du rythme de l’artificialisation des sols, qui constitue une rupture majeure dans notre politique d’aménagement du territoire, et qui remet en question 40 ans de décentralisation. A elle seule, cette mesure va provoquer un véritable changement de modèle. Traditionnellement, l’abondance de foncier a été considérée comme un atout et une souplesse : désormais, ce ne sera plus le cas.
Pour autant, qui en débat ? Personne, ou presque … Les premiers échanges en commission spéciale à l’Assemblée nationale montrent un désintérêt prononcé pour la question. Certes, le volet « artificialisation » de la loi fait l’objet d’un grand nombre d’amendements, mais pour une raison simple : la mobilisation des élus locaux et de leurs associations, comme des représentants des intérêts économiques, inquiets de cette traduction très technocratique d’une bonne intuition de la convention citoyenne, proposent des amendements aux députés. Dans les médias, sur les réseaux sociaux, rien ou à peu près. Un autre pays va se dessiner, des transferts massifs de valeur vont s’opérer, mais sans aucun vrai débat de société.
Cet exemple de l’artificialisation nous ramène à la question de fond qui guide la réflexion de notre fédération : quel modèle de société voulons-nous, qui protège nos ressources naturelles en même temps qu’elle améliore notre qualité et notre niveau de vie ? Question sans réponse, aujourd’hui, car personne ne veut voir l’éléphant dans la pièce.
Editorial d’Alexandra François-Cuxac
Présidente FPI France
12 mars 2021